Le temps n’est pas si loin où l’Hôpital Honoré-Mercier, à Saint-Hyacinthe, avait mauvaise réputation. En plus de ses patients, il accueillait un hôte dont il se serait fort bien passé : Clostridium difficile.
C. difficile est une plaie pour les hôpitaux. Il s’attaque principalement aux patients fragiles et peut rapidement se disséminer dans les différents services. Depuis 2004, une souche particulièrement résistante aux antibiotiques limite les traitements disponibles. Seule la vancomycine, un antibiotique à large spectre, est encore efficace.
Ironiquement, c’est souvent à cause d’un traitement aux antibiotiques qu’on attrape le C. difficile.
Chacun d’entre nous héberge cent-mille-milliards de bactéries dans son intestin. Ces minuscules hôtes nous aident à digérer notre nourriture, stimulent notre système immunitaire et empêchent les microbes malveillants de s’installer. Lors d’un traitement aux antibiotiques, la flore, affaiblie, perd son effet protecteur… et le Clostridium en profite.
Transplantation fécale
Une thérapie innovante, quoiqu’étonnamment « primaire », gagne petit à petit en popularité. Il s’agit de la « transplantation fécale » : le médecin prend des matières fécales d’une personne saine et les transfère, par lavage ou par coloscopie, au patient souffrant de diarrhée à C. difficile. Les taux de réussite sont de plus de 90 % ; et les récidives, inexistantes. Un niveau que bien des médicaments ont du mal à atteindre.
En 2013, une étude menée aux Pays-Bas et en Finlande a démontré que la transplantation fécale s’avérait plus efficace que le traitement à la vancomycine. L’étude, prévue sur 120 patients, fut écourtée tant les résultats étaient flagrants : 94 % d’efficacité pour la transplantation fécale contre 31 % pour l’antibiotique.
Malgré ces résultats, la transplantation fécale a mauvaise presse. Bizarrement, la plupart des gastro-entérologues n’aimeraient pas travailler avec de la « merde ».
C’est pourquoi des médecins de l’Hôpital général Kingston en Ontario, ont conçu « RePOOPulate », un mélange de 33 bactéries différentes, toutes issues des matières fécales d’une personne saine. Censé mimer la flore d’un intestin en santé, ce mélange a récemment guéri deux femmes de 70 ans qui souffraient de diarrhée à C. difficile. Après plus d’un an à subir quotidiennement plusieurs épisodes de diarrhée, ces dames furent ravies de retrouver leur flore intestinale… ainsi qu’une vie normale.
Références:
- Olle, B. Medicines from microbiota, Nature Biotechnology, 2013, Vol. 31:4 http://www.nature.com/nbt/journal/v31/n4/full/nbt.2548.html
- Yong, E. Infusion of pseudo-poo cures gut infections in two women, Phenomena: Not Exactly Rocket Science, 10 janvier 2013 http://phenomena.nationalgeographic.com/2013/01/10/infusion-of-pseudo-poo-cures-gut-infections-in-two-women
- McKenna, M. Swapping Germs. Scientific American, 2011 http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=swapping-germs
- McKenna, M. Fecal Transplants: A Clinical Trial Confirms How Well They Work. Wired, 2013 http://www.wired.com/wiredscience/2013/01/fecal-clinical-trial
Note: Ce premier article a été rédigé dans le cadre du Certificat en rédaction que je poursuis à l’Université de Montréal.